1. ÉVOLUTION DES PRINCIPAUX MARCHÉS
En avril, une économie dont les prévisions de croissance sont revues à la baisse, conjuguée à une inflation plus persistante que prévue qui laisserait entrevoir un scénario de stagflation, ont poussé les marchés financiers à la baisse. En effet, la persistance de l’inflation incite la Réserve fédérale (FED) à la prudence, réduit la probabilité de baisse du taux directeur en 2024 et favorise une tension du taux US à 10 ans (4.7%) qui se rapproche des niveaux atteint en fin 2023.
Merci de vous référer au lien en bas de page pour consulter le tableau.
Sur le mois, le S&P500 affiche une baisse de -4.2%, l’EuroStoxx50 -3.2%, le SMI -4.0%, le CAC40 -2.7% et finalement, le marché japonais -4.9%. L’or continue de monter et affiche +2.5% sur le mois en réponse aux incertitudes géopolitiques persistantes et à la demande toujours forte des banques centrales. Du côté des devises, conséquence d’un recul des anticipations de baisse de taux dans les mois à venir, le dollar américain continue son appréciation, +1.9% contre CHF et +1.1% contre EUR.
2. L’ENVIRONNEMENT ÉCONOMIQUE ET FINANCIER
En mars, l'indice des prix à la consommation (IPC) aux États-Unis a augmenté de +0.4% par rapport au mois précédent et de +3.5% en glissement annuel, contre +3.2% en février. De plus, l’inflation sous-jacente a affiché une hausse marginale pour le troisième mois consécutif, avec une augmentation de +0.4% sur le mois et de +3.7% sur l’année, laissant entrevoir une inflation potentiellement plus élevée à long terme. À la suite de cette publication, Jérôme Powell (président de la FED) et certains de ses collègues n’ont pas eu d’autres choix que d’annoncer attendre une évolution plus favorable de l’évolution des prix avant d'envisager une réduction des taux, ce afin d'éviter de reproduire certaines erreurs du passé. Notons qu’une inflation au-delà de la cible de la(des) banque(s) centrale(s), 2%, ne pose pas nécessairement problème pour autant que la croissance nominale se révèle supérieure (i.e. la croissance réelle est positive). Le véritable risque réside dans un scénario de stagflation (inflation élevée et croissance économique faible), un environnement dangereux pour la stabilité économique et financière.
Les données sur l'emploi pour mars semblent indiquer une accélération, avec des créations d'emploi hors secteur agricole (NFP) atteignant +303’000, contre +270’000 en février. Le taux de chômage diminue à 3.8% tandis que le taux de participation à l'emploi augmente à 62.7%. Une fois de plus, ces statistiques dépeignent un marché du travail florissant, bien que le rythme des créations d'emploi s’explique fortement par une augmentation significative des postes à temps partiel au détriment des postes à temps plein. Finalement, le produit intérieur brut (PIB) des États-Unis pour le premier trimestre de 2024 affiche une croissance de +1.6%, en deçà de attentes à +2.4%.
Malgré des données économiques moins reluisantes, notamment une croissance inférieure aux prévisions, la vigueur du marché de l'emploi et la persistance de l’inflation ont drastiquement fait chuter la probabilité d'une réduction des taux d'intérêt de la part de la FED : alors qu'en début d'année le consensus anticipait une réduction totale des taux de 150 à 175 points de base (pdb), en 2024, il n'en anticipe désormais que 25 pdb.
A ce jour, le scénario consensuel reste celui d’un « soft landing », voire d’un « no landing », scénario qui s’appuie sur les efforts budgétaires démesurés déployés par l’administration menée par J. Biden et l’accélération de l’endettement fédéral ($1’000bn par trimestre) soutenu par l’actuelle secrétaire au Trésor J. Yellen au-devant de l’élection présidentielle de novembre. Pas étonnant dans cet environnement particulier que l’inflation peine à continuer sa décrue. Cela est peut-être tout simplement voulu puisque l’inflation est un moyen qui nécessite peu d’efforts pour limiter la progression ou faire baisser le ratio d’endettement du pays.
3. NOS RÉFLÉXIONS ET ACTIONS
Dans l’environnement actuel, nous maintenons une allocation d’actif neutre, tant en termes d’exposition aux actifs risqués que de répartition géographique. Dans le même temps, le cycle de hausse de taux d’intérêt arrivant à son terme et les tensions géopolitiques étant toujours très nombreuses, nous maintenons notre exposition aux obligations de qualité à court et moyen termes ainsi qu’à l’or et au pétrole.
4. LE THÈME DU MOIS : LES ÉLECTIONS AMÉRICAINES
En 2024, le calendrier des élections gouvernementales est particulièrement dense, impliquant les citoyens de plus de 64 pays, notamment l'Inde, Taiwan, les membres de l'Union Européenne et les États-Unis. Le 5 novembre 2024, les Américains seront, en effet, appelés à choisir leur prochain président pour un mandat de quatre ans. Bien que les candidats officiels soient choisis courant de cet été, les plus probables incluent le président actuel, Joe Biden qui se représentera en faveur des démocrates, et Donald Trump du côté des républicains. Ce mois-ci nous discutons les thèmes abordés par les candidats, notamment : 1. L’inflation et la croissance économique 2. L'évolution du déficit budgétaire et du ratio dette/PIB. 3. La guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine. 4. Les perspectives concernant les taxes, sans oublier l’impact potentiel des politiques proposées sur l’économie réelle et les marchés financiers.
Prenons tout d’abord un peu de recul. Bien que le système politique américain soit multipartite il est principalement dominé par deux partis. D’un côté les démocrates, qui sont généralement associés à des valeurs progressistes telles que la promotion des droits civiques, l'intervention gouvernementale dans les questions sociales et économiques ainsi que la protection de l'environnement. De l’autre, les républicains se caractérisent par leur soutien aux politiques conservatrices, des valeurs traditionnelles, une approche favorable au libre marché et une priorité accordée à la responsabilité individuelle plutôt qu'à l'intervention gouvernementale. L’élection présidentielle se déroule selon un système de vote indirect, où les citoyens choisissent les 538 membres du collège électoral (grands électeurs), ces derniers étant ensuite chargés de voter pour le président et le vice-président. Une fois élu, la mise en œuvre de projet de lois dépend principalement de la coopération entre le président et le Congrès, système bicaméral composé de la chambre des représentants et du Sénat. Si la majorité des deux chambres n’est pas du même parti que le président, il se voit donc fortement limité dans son pouvoir d’appliquer la vision de son parti. L’élection de ces deux chambres est donc tout aussi importante que celle du président.
La campagne électorale de 2024 semble être une revanche sur celle de 2020 alors que le contexte macroéconomique et politique est très différent. Pour éviter de spéculer sur les scénarios futurs, concentrons-nous plutôt sur les actions entreprises par J. Biden pendant son mandat, ainsi que la vision des candidats pour le prochain terme.
Revenons d’abord sur le mandat de J. Biden. L'inflation a émergé comme un défi majeur, et bien que les pressions inflationnistes aient diminué par rapport au pic de 2022, le pouvoir d'achat réel des consommateurs américains s’est érodé. De plus, la dette nationale a fortement augmenté, dépassant 34 trillions de dollars en mars 2024, amplifiant les coûts de service de la dette à des niveaux difficilement soutenables. Néanmoins, deux facteurs sont positifs : le taux de chômage a maintenu une trajectoire favorable, la croissance économique a été plus robuste qu’anticipée ce qui a permis aux marchés financiers d’afficher de bonnes performances grâce notamment à l’engouement pour certaines grandes sociétés.
D. Trump et J. Biden partagent tous deux l'objectif de stimuler la croissance de l'économie américaine, mais leurs approches diffèrent significativement. Au cours des dernières quatre années, J. Biden a principalement mis l'accent sur l'augmentation des dépenses gouvernementales pour soutenir des programmes sociaux tels que l'allégement des prêts étudiants, la réduction des frais bancaires (appelés "Junk fees") ainsi que des initiatives massives de soutien aux énergies renouvelables et aux infrastructures. Cela a eu pour effet de stimuler la consommation, mais, dommage collatéral, également l'inflation. D'autre part, D. Trump cherche à poursuivre la politique fiscale de réduction d'impôts instaurée par le "Tax Cuts and Jobs Act" lors de son premier mandat, en mettant l'accent sur des baisses d’impôts pour les riches et les entreprises, avec également pour objectif de stimuler la croissance économique, mais de manière différente de l'approche de J. Biden.
Malgré ces divergences, les deux candidats partagent quelques points communs. Tout d'abord, ils sont alignés sur la politique commerciale vis-à-vis de la Chine, J. Biden ayant poursuivi avec la même détermination le travail entrepris par son concurrent D. Trump entre 2016 et 2020. De plus, en ce qui concerne la politique monétaire et fiscale, quel que soit le résultat de l'élection présidentielle de 2025, la marge de manœuvre semble limitée et peu de différences sont attendues. Enfin, que ce soit sous le mandat de D. Trump ou de J. Biden, le déficit budgétaire a considérablement augmenté et devrait, selon les prévisions, continuer à croître.
Concernant les marchés financiers, les données historiques sur plus de 75 ans indiquent que les périodes électorales ont peu d'effet sur la performance des marchés sur le moyen à long terme. Ce qui importe le plus est principalement l'état de l'économie et l'inflation. Quelques points méritent toutefois d'être soulignés : cette année, l'évolution des taux directeurs de la Réserve fédérale (FED), qui ne peut pas modifier sa politique monétaire dans les deux mois précédant les élections, devraient avoir un impact majeur sur les marchés. De plus, les données montrent que certains secteurs, tels que la défense, l'industrie financière et les petites et moyennes capitalisations semblent mieux performer sous une présidence républicaine, tandis que la santé et les énergies renouvelables semblent bénéficier d’une présidence démocrate. En termes d’investissement, les convictions à long terme en revanche ne changent pas vraiment quelle que soit l’issue des élections américaines de 2024.